TPMG : kesako ?
A l’époque où j’enseignais les gestes de premier secours, j’avais coutume d’utiliser l’acronyme TPMG. Cette formule m’est venue d’une infirmière en psychiatrie rencontrée dans mon parcours et c’est sa propre grand-mère qui la lui avait enseignée. Lors de mes formations, je l’utilisais pour faire comprendre aux futurs secouristes qu’en situation d’urgence, il fallait d’abord penser à sa propre sécurité. Comme le syndrome de l’hôtesse de l’air : lorsque les masques à oxygène tombent dans l’avion en cas d’urgence, c’est soi qu’on doit prioriser pour le masque, avant de le mettre à l’enfant à côté de soi. Sinon on a 2 personnes à secourir au lieu d’une… TPMG, c’est la formule magique à utiliser lorsqu’on a cette tendance à toujours faire passer les besoins des autres avant les nôtres. Elle signifie : « Tout Pour Ma Gueule ». Petite phrase irrévérencieuse qui sonne comme de l’égoïsme. Celui que la religion dénonce souvent lorsque l’on s’occupe de soi… Et c’est triste ! Parce que quand on y réfléchit bien : comment peut-on prendre soin de l’autre, si on n’est pas bien soi-même ? Impossible !
Pourquoi se focaliser autant sur les autres ?
L’enfant que nous avons été est en situation de survie lorsqu’il est petit : il doit tout faire pour vivre, et pour cela, il doit s’assurer de l’attention et de l’amour de ses parents. Dans ce but, il adopte diverses stratégies qu’il a trouvées efficaces à son niveau suite à certaines expériences. Il peut attirer l’attention de ses parents en étant rebelle ou opposant (surtout si les parents encouragent ces comportements inconsciemment par des remarques telles que : « le voilà qui recommence ses caprices, il fait toujours des bêtises ! »), ou il peut se plaindre, se comporter en victime perpétuelle et se rouler par terre pour éveiller l'attention. L’enfant peut aussi adopter des comportements d’effacement pour être sûr d’être accepté. Il peut ainsi « choisir » de devenir invisible, surtout si la famille connaît de grosses difficultés et qu’en étant lui-même, l’enfant risque l’exclusion. Il sera alors discret à tout moment, en retrait et silencieux le plus souvent possible pour se faire oublier, et pour ne pas en rajouter dans un contexte déjà bien difficile.
L’enfant peut aussi, et c’est terriblement fréquent, se conformer aux désirs de ses parents. Il s’agit pour lui alors de répondre aux demandes qui lui sont faites pour devenir un enfant « parfait » selon les critères des parents. Une espèce de modèle d’exposition dont rien ne dépasse. L’enfant fait cela pour être sûr d’être toujours accepté. Il peut devenir un « sauveur » pour secourir un des parents qui a besoin d’aide (parce que maman fait une dépression, papa est au chômage et en souffre…) et va alors exécuter sans même qu’on le lui demande toutes sortes de tâches qu’il juge à même de réparer la situation ou d’aider la famille. Ce faisant, il oublie ses besoins, ses désirs, ses rêves… Il s’agit d’une parentification, une sorte de machine diabolique qui vise à mettre l’enfant dans la position du parent… de ses parents. Ce phénomène d’aide et de conformisme peut aussi intervenir dans les familles où le perfectionnisme est de rigueur : l’enfant doit alors se conformer au modèle des parents et va tout faire pour répondre aux demandes inconscientes. Question de survie.
Comment sortir de la logique infernale ?
Les religions de tous bords répètent sans cesse que s’occuper de soi relève de l’égoïsme pur et qu’il vaut mieux concentrer ses efforts et son énergie aux autres. Avec ce genre de raisonnement, on est simplement appelé à rester bien docile et à faire dépendre jusqu’à la fin de notre vie notre bonheur des autres. S’ils sont le point de focalisation de toute nos efforts, nous sommes alors à leur merci pour tout : la reconnaissance, les retours, la gratitude, l’amour… Et c’est bien souvent ce que l’enfant en nous recherche par les actes « altruistes » qui sont tournés vers les autres, ces autres dont nous attendons tellement en retour. Il s’agit de réparer ce que l’enfant a échoué à faire : gagner l’amour des parents par des actes répétés et tournés vers ses géniteurs. C’est voué à l’échec : on n’a pas à « gagner » l’amour de qui que ce soit, il est donné, d’emblée. Et cela, l’enfant ne l’a pas appris. L’adulte doit donc en faire l’expérience !
Etape 1: je me reconnais
La première étape du travail consiste donc à renouer avec l’enfant en soi pour voir qui il est. La reconnaissance que vous avez peut-être cherchée toute votre vie chez les autres, vous devez commencer par vous la donner à vous-même ! C’est comme dans le film Avatar : les Na’vis se saluent entre eux en se tenant l’un face à l’autre, le regardant droit dans les yeux, en lui disant : « Je te vois ». Je vous invite donc à reconnaître l’enfant, dans une séquence d’autohypnose (voir ma chaîne youtube pour accéder à la vidéo: https://youtu.be/8GLWMXZx65k) dédiée à la rencontre avec son enfant intérieur. Et dites à l’enfant qu’il existe à vos yeux, que vous l’aimez ! Il en a tellement besoin… L’exercice peut amener des larmes, si l’enfant a toujours été ignoré, oublié. Et c’est tant mieux : laissez les émotions s’inviter pour une fois dans votre vie sans chercher à les contrôler ! C’est le chemin indispensable pour se retrouver ! Et vous allez voir l'enfant devenir joyeux, de faire ainsi la connaissance de l'adulte qu'il aime plus que tout et dont il attend le soutien, l'amour, la bienveillance...
Etape 2: j'apprends à m'accorder du temps
Je vous invite à faire la liste de toutes les tâches que vous réalisez dans vos journées. Prenez une journée type et identifiez chaque activité. Puis, dans une autre colonne, indiquez pour qui vous faites les tâches décrites précédemment. Faites alors le point sur celles qui vous concernent : prenez-vous soin de vous ? Si oui, comment ? Comptez le temps passé pour les autres et celui que vous vous dédiez… Le résultat vous semble effarant ? Disproportionné ? Il est si fréquent de laisser aux autres la plus grande place dans sa vie que c’est presque banal pour l’enfant, à qui on a appris à faire cela… L’adulte en vous doit remettre un équilibre. Pour le bien de l’enfant et le sien propre.
Indiquez donc, sur une deuxième feuille, les activités que vous aimez, qui vous font du bien et vous nourrissent, vous font grandir. Voyez comment les intégrer dans l’emploi du temps. Cela prendra peut-être quelques semaines, quelques mois. Mais c’est indispensable pour arriver à se faire une place dans sa vie. Votre présence dans votre propre vie ne doit plus être négociable !
Etape 3: je m'accepte tel.le que je suis
Lors d’un moment de méditation, je vous invite à faire remonter en vous les souvenirs des moments où vous vous êtes senti.e vous-même, à l’aise, heureux(se). Ces instants sont autant de boussoles qui vous indiquent une direction: celle de l'endroit où vous devriez être, si vous n'y êtes pas déjà.
Puis, sur une feuille, listez toutes les qualités qui vous viennent à l’esprit pour vous décrire. Près de chaque qualité, indiquez un exemple où vous avez démontré cette qualité, et aussi les côtés plus « négatifs » de ce trait de caractère. Par exemple, je peux indiquer que je suis enthousiaste, je l’ai été lors de l’organisation d’une journée pour l’association X dont je fais partie car j’ai eu plein d’idées pour sa mise en place. Le côté négatif de l'enthousiasme, c’est que je peux avoir tendance à partir dans beaucoup trop de directions et à être dans la dispersion… Dans un 2ème temps, faites la liste de ces aspects de votre personnalité que vous aimez moins, et indiquez un exemple, puis le côté « positif » de ce trait de caractère. Par exemple, je peux être en retrait, ce qui a été manifeste lors de la dernière réunion au travail où je n’ai pas osé donner mon avis, et le côté positif, c’est que j’observe beaucoup et que je remarque des détails qui échappent aux autres.
Une fois votre liste faite dans les deux aspects, relisez-la tranquillement. Et pensez que le portrait qui se dresse devant vos yeux est celui de l’enfant en vous : il a toutes ces qualités, tous ces défauts, et aucun ne le définit. Il est beaucoup plus que cela. Je vous propose de prendre l’enfant dans vos bras comme s’il était près de vous, et de lui dire avec sincérité que vous l’acceptez comme il est ! Cette étape est tellement importante… Il a en effet besoin de votre amour inconditionnel: ce n'est qu'au prix de ce travail que vous allez enfin pouvoir réconcilier les différentes parties de vous qui cherchent à s'exprimer dans votre vie. Ce n'est qu'à partir de la définition de ce centre que vous allez pouvoir vous déployer ensuite.
Se mettre au centre, c'est se témoigner de l'amour
Apprendre à vous mettre au centre de votre vie, cela signifie faire une place à l’enfant et apprendre à identifier ses besoins, l’accepter tel qu’il est, et lui donner tout l’amour dont il a pu manquer lorsque vous étiez petit (et lui aussi !). L’idée ici est de vous mettre, en tant qu’adulte, à répondre à vos besoins par vous-même en renonçant à demander aux autres de le faire à votre place. Vous faire passer en premier nécessite de prendre la décision consciente d’apprendre à vous connaître, identifier ce qui est bien pour vous et ce qui est toxique. D’aller en toute conscience vers ce qui vous fait grandir et d’éloigner de vous ce qui vous en empêche. De vous orienter vers les situations, les personnes qui vous font du bien et vous permettent d’être vous-même en toute liberté, de fuir celles qui vous enchaînent dans des manipulations, des relations toxiques, jugeantes et critiques. Il est important de vous faire accompagner par un.e thérapeute pour créer un sentiment de sécurité qui vous permettra de réaliser ces changements dans la douceur et la bienveillance. Retrouver qui nous sommes profondément est le fruit de ce travail, et il n’est pas toujours aussi long qu’on peut le penser !
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